Je cours. Je cours et j'essaye de ne penser à rien, rien d'autre qu'à ma course. Mais cela m'est impossible.
Il
y a tellement de questions qui se bousculent dans ma tête. Il y a aussi
tous ces souvenirs qui refont surface, et je vois ma vie défiler, comme
si je sentais que la fin était proche. Et puis il y a cette culpabilité
qui me ronge, et qui m'empêche de me dire que je mérite de m'en sortir.
Pourtant je continue à me battre. Je puise les dernières forces qu'il
me reste et je cours. J'essaye de ne pas me retourner, mais je la sens
qui nous poursuit.
La mort. J'entends le cri de ceux qui se font rattraper, et je fais
comme si de rien n'était, alors que certains d'entre eux étaient mes
amis, et
m'avaient aidé à ne pas abandonner. Est-ce honteux de ma part? Ou
s'agit-il seulement de mon instinct de survie que je n'aurais jamais
soupçonné avoir?
Nous sommes tous responsables de ce fléau. Nous avons négligé notre
planète, et elle s'est retournée contre nous. Toutes les forces de la
nature se sont alliées pour nous infliger une punition, pour organiser
notre extermination.
Avec
les autres, nous avons fui la ville, comme on a toujours fui les
problèmes. Nous sommes désormais les seuls survivants. Mais pour combien
de temps?
Avons-nous
réellement une chance? Combien de kilomètres faudra t-il courir encore,
pour échapper à un destin qui semble inévitable?
Après
tout, nous avons peut-être mérité ce qui nous arrive, et peut-être
qu'il est temps de payer, pour toutes les fautes que nous avons
commises.
Je fais de grands efforts pour ne pas me retourner, mais le calme qui
règne autour de moi me fait comprendre que je suis seule. La dernière
survivante, c'est moi. Est-ce un honneur? Ou un sursis qui signifie que
je mérite de souffrir plus que les autres?
Comment
peut-on se poser autant de questions en si peu de temps? Peut-être que
je deviens folle. Ou peut-être que c'est elle qui me parle, qui me manipule, pour que prenne conscience de la gravité de nos actes, juste avant de mourir.
Je suis épuisée et tombe dans le sable. A quoi bon survivre? Je n'ai
plus personne. Ma famille et mes amis sont morts. J'ai perdu tout ce qui
comptait le
plus à mes yeux. Je veux pleurer mais je n'y arrive pas. Je ne ressens
plus aucune émotion. Je suis seule et je porte sur mes épaules la
culpabilité du monde entier.
Alors non; non cela ne peut pas se terminer ainsi. Je décide qu'il est
temps d'arrêter de fuir, et d'affronter la réalité. Je n'ai plus envie
de courir. Je ne lui donnerai pas ce plaisir. Si je dois mourir, ce sera
avec fierté. Qui sait, peut-être qu'un monde meilleur m'attend de
l'autre côté, une chance de repartir à zéro. C'est sûrement ce qu'on
appelle l'Espoir.
Je me lève, me retourne, et la vois qui me sourit. Je lui souris aussi.
Et je cours. Mais en sens inverse cette fois. Je cours pour me jeter dans ses bras.
C'est mon premier contact avec la mort.
Ce fut un véritable coup de foudre. [...]
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