J’étais fatigué. C’était un samedi matin, et
la tête dans le brouillard, je préparai mon petit-déjeuner. Un bol de céréales,
du lait, un verre de jus d’orange. Simple, mais cela me parait pour la journée.
Sans prêter attention au paquet que je choisissais, j’en déversais le contenu
dans mon bol fétiche, mais le manque de sommeil m’obligea à recommencer, ayant
confondu le jus d’orange et le lait. Je m’assis enfin, puis portai à ma bouche
la première cuillerée. Et là, ce fut fantastique ! Le croustillant de ce
petit carré fourré au chocolat me sembla un délice, le contact de la cuillère
froide sur mes dents n’étaient pas aussi désagréable qu’à l’accoutumée, je fus
même pris d’une violente chair de poule. Surpris par cette sensation inhabituelle
et sentant monter en moi une douce euphorie, je marquai une pause. Puis soudain,
le déclic ! Cette sensation de bonheur, ce goût délicieux, ces frissons,
tout me revenait. Si je ressentais tout cela, c’est parce que cette marque de
céréales représentait à elle seule mon enfance. Les joyeuses matinées durant
lesquelles, confortablement installé devant Franklin, ma mère me portait à la
bouche des cuillerées de ce met me revinrent tout à coup à l’esprit. Je souris,
les frissons s’intensifiaient, c’est comme si l’intérieur de ma bouche était un
Paradis gouverné par ce carré de noisette. Je tentai d’en déguster chaque
bouchée au maximum, mais par je ne sais quelle intervention maléfique, chaque
croc m’éloignait du souvenir merveilleux de mon enfance, de ce sentiment de
bonheur retrouvé.
C'est du Proust contemporain. Bravo!
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